Édito du Biofil n°147 – mai-juin 2023
Il faut savoir ce que l’on veut… On sait que les humains ont la mémoire courte, et que les biais cognitifs ont le dos large, et que les changements sont longs à opérer. Mais quand même, parfois on hallucine par tant d’incohérence ! La bio a fait ses preuves avec 30 % de biodiversité en plus sur les fermes bio, une eau et des sols de meilleures qualités, moins de rejets polluants de gaz à effet de serre, plus de carbone stocké dans les sols, plus d’emplois et en prime, une alimentation de qualité… Avec preuves à l’appui. Alors stop au déni : la bio doit rebondir, en mettant en avant ses externalités positives.
Les études montrant les bénéfices de la bio abondent, émanant de l’Inrae, de l’Inserm via Bionutrinet, du Fibl, et autres instituts de recherche internationaux. On sait que les pesticides de synthèse, outre de détruire la faune et la flore, détériorent la santé humaine, la reproduction, et génèrent de nombreuses maladies, les cancers prolifèrent, les cas d’antibiorésistance se multiplient… La dernière enquête en date est celle publiée fin mai dans la revue scientifique PNAS. Cette synthèse inédite prouve que l’agriculture intensive est la première cause de l’effondrement des populations d’oiseaux en Europe.
Cet immense travail sans précédent, mené par 50 chercheuses et chercheurs, confirme la disparition de 25 % des oiseaux, voire de près de 60 % des espèces des milieux agricoles. Trente-sept ans de données de 20 000 sites dans 28 pays européens, concernant 170 espèces, ont été passées au peigne fin. Conclusion : l’augmentation des quantités d’engrais et de pesticides à l’hectare est la principale cause de ce déclin catastrophique, surtout des insectivores. L’absence de haies y contribue aussi. Les écosystèmes sont plus que jamais fragilisés. Ces résultats produisent un nouvel électro-choc ! Tant mieux. Produire différemment est une question de survie pour l’agriculture, et pour toute la société.
Cela fait plus de trente ans que la bio teste ses pratiques, via un cahier des charges exigeant et évolutif, même s’il n’est pas idéal. Mais il est plus facile de le critiquer que de l’appliquer. L’objectif n’est-il pas de réussir à nourrir le monde selon les règles de base de l’agriculture bio, non polluante, même si elle reste perfectible, tout le monde le sait. À quoi sert-il de pointer continuellement ses failles, au risque de désabuser les consommateurs si versatiles ? Les bio, agriculteurs et transformateurs, connaissent leurs points faibles et travaillent sans cesse à les réduire, à améliorer leurs itinéraires, leurs process. À aller plus loin, vers plus d’équité ou vers une agriculture de conservation par exemple, comme le prouvent les témoignages du colloque Fnab sur la fertilité des sols .
Malgré les gros progrès réalisés, des impasses techniques, économiques et sociales persistent encore. On le répète, il faut mettre le paquet sur la recherche et la communication. On n’a plus le choix. L’annonce du ministre de l’Agriculture, le 17 mai, d’allonger le soutien à l’agriculture, en débloquant une enveloppe de 60 millions d’euros pour les filières en difficultés est un signal positif. Mais sera-t-il suffisant ? Non, estiment clairement des professionnels, dont la Fnab. Côté commande publique, il ne suffit pas d’inciter, par les paroles, à l’introduction de la bio en restauration collective selon la loi Egalim, il faut aussi le faire appliquer !
Et la communication, avec les 500 000 euros supplémentaires pour la campagne Bioréflexe et 3 millions d’euros issus du plan France relance annoncés par le ministre, elle devra donner, et vite, une réelle impulsion… Les producteurs bio, sur le qui-vive, sont impatients de retrouver la confiance de tous les concitoyens, afin de continuer la transition écologique devenue urgentissime !
Christine Rivry-Fournier
À consulter : l’évolution de la bio en France fin 2022, à partir des nouveaux chiffres de l’Agence Bio.
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