Les diverses méthodes traditionnelles de faux semis ont en commun une limite : il faut que soient réunies les conditions adéquates pour que les graines d’adventices lèvent (élémentaire, mon cher Watson !) :
- humidité,
- durée disponible avant l’implantation de la culture,
- température.
Or… notamment au printemps, avant la mise en place des premières cultures précoces de plein champ… une température suffisante pour la germination des graines, et un nombre conséquent de semaines sans culture sans légume à semer ou repiquer… ça n’est pas vraiment de saison !
Nous utilisons donc une méthode que certains maraîchers pleins d’humour et d’auto-dérision ont baptisée : la méthode corse… Pourquoi « corse » ? Parce que le terrain est intégralement plastiqué : Boum ! Ah Ah Ah !
Mise en place
Paillage de la planche
Dans ce système, les planches de culture sont paillées à la dérouleuse juste avant plantation,
- donc en automne pour la plantation d’ail hiverné,
- en début de printemps pour les implantations précoces.
Nous utilisons un film polyéthylène très fin ou un film biodégradable, selon la culture.
Toile d’allée
Les allées sont ensuite couvertes d’une toile noire épaisse tissée, réutilisable de très nombreuses années, qui est déroulée et fixée manuellement avec des crochets métalliques adaptés à nos conditions de sol et de vent. Nous les faisons plier à nos cotes par un producteur local de ferraillages.
Et en fin de culture, quelques petits outils simples auto-bricolés permet de tout ranger facilement.
Sur deux cultures
Nous utilisons la méthode corse principalement pour les carrés ail / échalote / oignon
ainsi que petits pois,
toutes cultures de plein champ implantées en conditions froides et humides.
Culture en méthode corse
Les cultures se développent ainsi dans un sol mieux réchauffé, des planches souffrant moins d’excès d’eau.
Au fur et à mesure de la saison les cultures se développent, comme les bandes fleuries qui les entourent… fleurissent.
Et bien évidemment que la méthode corse ne dispense pas à 100 % de quelques interventions manuelles pour arracher les adventices qui réussissent à se faufiler, puis prospérer au détriment des légumes !
Réutilisation, recyclage
Film de planche
Recyclage par le sol ou par la filière déchets, il y a donc deux possibilités en fonction du matériau utilisé :
- le film biodégradable est broyé en même temps que les restes de la culture, avant incorporation du mélange au sol dont la vie microbienne, en présence d’air et d’eau assurera la suite du cycle de son amidon,
- le film PE est sorti de terre en même temps que la culture par le passage de l’arracheuse, correctement nettoyé par secouage manuel,
roulé et porté à la collecte sélective pour recyclage.
Toile d’allée
Les toiles de l’allée en polypropylène tissé, les agrafes métalliques, sont durables une dizaine d’années ; elles sont donc enlevées et rangées avant leur prochaine utilisation. Les agrafes métalliques sont d’abord arrachées manuellement avec de petits outils bricolés de trois coups de marteau et deux baguettes de soudure
et rangées dans des palox adaptés à cette utilisation, eux avec trois coups de visseuse.
Les toiles peuvent être pliées manuellement, ou bien enroulées grâce au petit moteur hydraulique d’une petite machine de fabrication très locale, toujours pour stockage en attente d’une prochaine utilisation.
La tension crée par l’enroulement et le décalage des pièces métalliques permet de nettoyer au fur et à mesure ce qui est enroulé.
Ces toiles sont retirées en cours de culture quand l’enherbement n’est plus à craindre.
Elles sont assez solides pour que nous les utilisions une bonne dizaine d’années, ce qui au bilan entraîne peu d’utilisation de matière.
«Morale» de l’histoire
Milieu «naturel»
La présence de bandes fleuries régulièrement réparties dans tout le jardin permet d’offrir un refuge aux insectes rebutés par la surface de paillage, c’est pourquoi les Biaux Jardiniers les soignent particulièrement tout au long de la saison.
- méthode corse entre planches binées et bande fleurie permanente,
- bande fleurie entre carré en méthode corse et carré en occultation avant semis direct sur sol nu
Un autre lieu de refuge pour les insectes auxiliaires, qui ont besoin de butiner et se nourrir, c’est le bout des planches. Les chemins du jardin, au lieu d’être toujours «parfaitement» tondus de frais genre pelouse de lotissement ou espace «vert», comportent près des planches de culture des bandes qui ne sont pas fauchées, ce qui permet de diversifier la flore, d’apporter des fleurs aux butineurs, etc. Évidemment, l’entretien, forcément manuel puisque sélectif, de ces endroits, demande plus de temps qu’un simple passage de broyeur.
«Milieu» humain
Re-morale de l’histoire : «ça re fait don ben beaucoup de plastique toute cette méthode corse», re-diraient les esprits chagrin…
Et ben voui, re répondrait le Biau Jardinier, tout à fait exact… Encore que les toiles installées dans les allées s’utilisent pendant de nombreuses années (plus de 10 ans) et sur plus d’une culture chaque année, ce qui fait au bout du compte (mais encore faut il accepter de compter) assez peu de matière consommée. Et le paillage des planches permanentes est réalisé avec le film le plus fin disponible sur le marché.
Mais surtout, il nous semble que l’aspect humain doit être considéré complètement, y compris sous l’angle du travailleur, car :
- si on souhaite aux travailleurs bio de la terre des conditions sociales meilleures que celles de leurs collègues Sri Lankais ou d’Alméria…
- si on pense qu’une brigade permanente de stagiaires non payés (voire qui paient pour passer quelques jours dans une «ferme» (?!) d’initiation à une des méthodes miraculeuses de culture encore plus permabio que bio sur sol très vivant de paille et carton plus liseron) et bien oui, çà y ressemble un peu …
- si on constate que le consommateur n’est pas prêt à payer le légume bio à un prix «trop» élevé ( trop = par rapport au légume de culture agro-chimique) et ben hein, ma foi, hein ! ? !
Sachant que, bien évidemment, l’utilisation de films de paillage polyéthylène ou polypropylène pour mettre en œuvre les diverses techniques de maîtrise de l’enherbement n’est pas incompatible avec la mise en place et l’entretien des bandes fleuries utiles pour héberger et multiplier les insectes auxiliaires des cultures, l’entretien du bocage, la pratique systématique des engrais verts notamment pluriannuels, etc… il serait dynamiquement intéressant de tenter un bilan écologique d’ensemble des pratiques bio EXtensives.
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