En arrivant sur la ferme, les Biaux Jardiniers ont, concernant le bocage, trouvé une situation qui était loin d’être désespérée ; ce fut d’ailleurs une des raisons de leur choix. Mais il y avait quand même «de quoi faire»,
alors le travail a consisté :
- d’abord à se balader pour dresser l’inventaire des espèces qui semblaient bien prospérer dans les haies existant sur la ferme et alentour, de façon à éclairer les choix,
- se replonger dans les ouvrages techniques qui avaient accompagné les plantations bocagères des années 80 sur notre première ferme : Dominique Soltner, Marcel Jacamon, etc… (pour cette partie de notre bibliothèque c’est par ici)
- se tracer un plan d’ensemble (impossible de tout planter en une fois !) et solliciter les subventions accessibles,
- planter des haies pour intégrer visuellement dans le milieu le bâtiment bioclimatique nouvellement construit,
- planter des haies autour des parcelles où il en manquait,
- planter là où l’arrachage prôné par l’agriculture officielle, et/ou le manque d’entretien au fil du temps avaient créé des ruptures dans le maillage.
Et puis aussi, charme rural non spécifique de notre commune, replanter ce que nous avons été mis en demeure d’araser sous les procédures syndicales de voisinage.
En effet, cette magnifique haie handicapait gravement les rendements voisins : par son ombre car elle se situait… à son Nord légèrement Est. Voilà voilà. Et comme de plus, elle poussait (et indiscutablement depuis un bon paquet de générations agricoles) 47 cm trop près de la limite… [1]ce qui peut laisser entendre que le ressenti des centimètres varie selon l’origine géo-ethnique des propriétaires de haies. Alors là, évidemment bien sûr : 47 cm, condamnation à la décollation, une génération après sa mise au placard par le respecté Badinter. Décollation par le pied, donc.
Pour en revenir au positif, donc, la nécessité de corriger les politiques agricoles passées et revendiquées, il a fallu échelonner tout ce travail de plantation, et le financer…
- La «première tranche» avait bénéficié de l’aide qui nous avait été accordée pour la création de la ferme.
- Pour la «deuxième tranche», nous avons sollicité, et obtenu, une aide du conseil régional de Bourgogne dans le cadre de son «plan bocage». Mais… son niveau TRÈS modéré ne compensant pas les contraintes apportées,
- nous avons réalisé les suivantes sans aides publiques. Et sans regrets.
Nouvelles plantations
Planification indispensable
Les lieux
La préparation des lieux avant plantation demandait parfois du défrichage :
pour éliminer les ronces et autres végétations spontanées, et prendre soin de remettre ainsi en service les fossés pour faciliter l’écoulement de l’eau, ce qui peut être bien nécessaire…
Par la suite, un suivi plus régulier permet d’en assurer un entretien «doux».
Les plants,
nous les avons toujours achetés à un pépiniériste forestier professionnel, au stade dit «jeune plant». C’est non seulement la solution la plus économique (le plus souvent moins d’un euro pièce), mais de plus la jeunesse du plant garantit un taux de reprise à quasi 100% y compris en cas de plant en racine nue.
Nous commandons les plants avant la saison de façon à être assurés d’obtenir toutes les espèces et la taille de plant souhaités. La livraison est programmée au plus près de la date de plantation prévue, mais de toute façon les plants sont mis en jauge pour qu’ils puissent patienter dans de bonnes conditions si les aléas météo retardent la plantation.
Préparation de sol
Pour « refermer » le maillage bocager de la ferme, nous avons parfois installé une haie là où il n’y avait rien. En effet, restes de vielles clôture, ronces et épineux spontanés ne suffisent évidemment pas à constituer un maillage bocager.
Sur l’emplacement même des plantations, on a commencé par broyer la végétation pour en faciliter l’incorporation et son assimilation par le sol.
Dans certains cas, nous avons préféré retarder la plantation d’une année par un engrais vert étouffant. Nous avons toujours déchaumé au moins l’été précédent la plantation pour que la terre ait le temps de bien «digérer» la végétation de la prairie en place :
Plusieurs passages d’outil, espacés dans le temps, nous ont été nécessaires pour incorporer une prairie temporaire en place depuis bien des générations. Puis la préparation profonde du sol avant plantation a été assurée par la bêcheuse alternative,
… faute d’avoir un cultibutte qui, à l’époque, n’était pas encore complètement inventé. [2]nous étions « en route »
Plantation
Les herbes adventices, particulièrement les graminées, sont très dangereuses car très concurrentielles pour le départ des haies, même si notre esprit a du mal à admettre que des « petites herbes » puisse handicaper des « arbres ». C’est pourtant la réalité. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les très nombreux échecs de plantations ni désherbées chimiquement ni impeccablement paillées.
Le choix du désherbant chimique n’étant pas le nôtre, celui de l’échec des plantations bocagères non plus, nous avons tenté différents systèmes dans nos diverses plantations bocagères.
- Nous avons planté certaines haies sur une bonne couche de paille auparavant déroulée manuellement,
- d’autres sur feutre végétal industriel,
- d’autres sur toile polyéthylène.
Aucune de ces solutions n’est sans défaut. Plus la solution est industrielle, plus elle est polluante, plus elle est efficace contre l’enherbement et moins elle impose ensuite de main d’œuvre manuelle (ou chimique !) à l’entretien…
Dans les réflexions et avis tranchés sur ces sujets, il est donc important de connaître la profession, donc l’expérience de terrain, de celui qui parle (comme d’hab…!), d’autant plus si il est un « décideur » (donc un potentiel subventionneur).
Pour une de nos plantations, nous avions choisi un feutre végétal épais.
C’est peu confortable à la pose :
- lourd à étaler et délicat à «ajuster»
- difficile à fixer
- Y compris à deux, c’est pénible et lent, çà prend pas mal de temps.
Tout cela peut être un obstacle à la replantation du bocage car les aides financières de la région refusent de prendre en charge le temps investi par le paysan-maraîcher lui-même dans le calcul de la subvention versée.
Avant la plantation proprement dite, on a sortis de jauge les plants prévus pour la demi-journée. On les a munis chacun de sa protection contre les divers rongeurs campagnards friands de jeune sève : lapins, lièvres, chevreuils… La benne 3 points du tracteur devient donc une brouette motorisée à plantation bocagère.
Avec un feutre commandé pré fendu, pas besoin de repères pour planter à la bonne place, il suffit de répartir les plants selon… le plan. On a utilisé le «plantoir normand», outil articulé qui perce un trou et le maintient ouvert. Pour planter chaque plant, on l’enfonce, en position fermée, par une pression du pied jusqu’à la profondeur voulue
une fois à la profondeur voulue on écarte les bras ce qui permet de faire le trou de plantation, on installe le jeune plant dans le trou maintenu ouvert par les pelles du plantoir normand. Ça a été chez nous l’occasion de quelque activité pédagogique (et productive…) père-fils.
Une fois le plant bien installé, on retire le plantoir : c’est facile, il est bloqué position ouverte par la bascule
on n’oublie pas de tasser du pied. Et voilà.
Ensuite, et bien, on passe au suivant : donc on débloque le plantoir avec le pied, on serre les manches pour faire un nouveau trou, etc… haie bocagère = obstination.
D’abord une rangée, d’un bout à l’autre, puis une autre, d’un bout à… etc…
Pour compléter le paillage nous avons déroulé des bottes de paille le long de la nouvelle plantation, et apporté du chanvre où la place manquait.
Mais si dans les talus d’autoroute le feutre végétal peut-être efficace (associé quasi systématiquement à désherbage chimique avant ou/et après plantation), dans nos conditions humides de Bresse, et en culture biologique, le feutre végétal n’a pas rempli bien longtemps sa mission de lutte contre l’enherbement. Et particulièrement sur une plantation (pas loin de 2000 arbres et arbustes quand même) le feutre a été rapidement percé…
…et la plantation a été mise en danger. Les graminées invasives concurrençaient les jeunes plants forestiers qui jaunissent rapidement.
La réalité concrète nous démontrait qu’obéir aux consignes écologiques du conseil régional de Bourgogne sans désherbant chimique était dans nos conditions impossible.
Les outils adaptés en bio ont donc été gants, couteau, poignets, genoux. Les Biaux Jardiniers ont donc investi dans plusieurs journées [3]évidemment non subventionnées comme prévu de désherbage manuel, auxquelles a activement participé Jean-Paul, salarié du service de remplacement.
Lequel, une fois les 400 mètres nettoyés et lors des congratulations d’usage de fin de chantier a déclaré. «Et ben, çà y est c’est fini, patron ! Mais on recommencera plus jamais, hein, patron !» L’investissement en peine a effectivement été à la hauteur de celui en temps…
Et quinze ans plus tard, les Biaux Jardiniers sont heureux de l’avoir fait :
mais que de maux inutiles : PLUS JAMAIS ÇÀ !!!
Pareille mésaventure est arrivée à des collègues paysans-maraîchers bio, bien décidés eux aussi à ne plus solliciter cette petite «aide» dans les conditions «écologiques» imposées par des zélus zécolos !
Il nous en aura fallu, des courriers, dossiers, discussions téléphoniques pour faire comprendre à nos décideurs que si les théories de ceux parmi eux de sensibilité écologique avaient effectivement des raisons de se méfier des paillages polyéthylène, elle ne commençaient à prendre une quelconque valeur que quand elles se confrontaient avec succès à la pratique du terrain ; et sachant que théorie et pratique ne sont pas toujours partagées par les mêmes…
Depuis nos dernières plantations, est apparu un nouveau produit biodégradable industriel. À base d’amidon, il semble efficace et donner satisfaction à des collègues qui l’ont utilisé avec succès. C’est ce que les Biaux Jardiniers testeront lors de prochaines plantations.
Parce que l’échec de ce feutre végétal dans nos conditions n’a pas suffi à décourager les Biaux Jardiniers de planter : tous ces arbres, ils trouvent ça beau, ce serait bien dommage de vivre sans, et tout le monde peut en profiter ! Tous, et voisinage conventionnel y compris !
La bio, y’est biau !
Entretien
Taille manuelle
Au delà de la lutte contre l’enherbement, l’entretien de départ des plantations bocagères consiste à former les arbres destinés à être menés en haut jet, à recéper ceux qui doivent être menés en taillis. Les années suivantes, c’est continuer la formation des arbres de haut jet, et commencer les tailles latérales pour aider la haie à se développer plus en hauteur qu’en largeur. Ce travail a été fait les premières années de la pousse soit manuellement, soit avec une petite barre de coupe à moteur thermique .
Taille latérale
Et les années suivantes au tracteur muni d’un sécateur.
Le mode d’action du sécateur est bien différent du broyeur d’élagage classique, qui déchire les branches par le mouvement rotatif de marteaux outil encore beaucoup utilisé, même par les collectivités locales, et qui laisse des blessures cicatrisant mal. Le sécateur, lui, agit par le mouvement alternatif d’un outil affûté qui coupe de façon très nette les branches de moins de 10 cm de diamètre, de la même façon que les anciennes barres de coupe utilisées pour les foins. La coupe est donc franche et la cicatrisation rapide : le risque d’entrée de maladie est moindre.
Une fois coupées, les branches tombent au sol
et doivent être
- soit ramassées (recyclage en énergie par production de plaquette de chauffage)
- soit broyées sur place pour ne pas gêner le passage et s’incorporer peu à peu au sol près des haies (recyclage fertilisant).
C’est «l’inconvénient» de cette technique d’entretien du bocage, plus écologique et qui demande donc plus de temps. Mais c’est dans les deux cas le moment où la charge du travail d’entretien peut se transformer en bénéfice par auto-production locale de chauffage ou de fertilité. Renouvelables !
Choix de hauts jets
Dès que la haie atteint 8 à 10 ans, on a commencé la sélection : choisir les arbres qui sont conservés pour continuer à grandir, éliminer ceux qui en gêneraient le développement. Avec au départ les conseils d’un ami forestier, les Biaux Jardiniers ont marqué à la rainette les arbres ou les branches à éliminer : c’est l’aspect promenade d’observation.
- Marquage à la rainette pour signaler ce qui doit être supprimé, à coté de ce qui est conservé
- Plus tard, ce qui avait été marqué est coupé à la tronçonneuse : c’est l’aspect vroum vroum.
pour aider à la pousse des arbres de haut jet choisis
Et sur la durée ?
Pour l’élagage en hauteur, les Biaux Jardiniers bricolent au début avec les moyens du bord : le matériel disponible sur la ferme. Le mât lève-palette garni d’un palox positionné et fixé correctement.
Ils ont aussi utilisé une petite nacelle louée.
Et quand il s’agit d’intervenir sur des arbres adultes, ils font appel à Benjamin, un ami professionnel compétent et équipé,
De même quand il s’agit de valoriser le bois coupé sous forme de plaquette qui permet de chauffer les locaux professionnels (courge, endive principalement) comme le logement des Biaux Jardiniers.
Le chauffage au bois ? C’est un bon moyen de financer plantation et entretien du bocage ! [4]sinon, comment ?
=> plus d’infos très illustrées sur notre production de plaquette à la ferme par ICI
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