Un outil adapté économique
Le cultibutte a été baptisé ainsi car les principaux organes de travail sont des socs «pattes d’oie» montés sur des dents de cultivateur. Cinq dents «queue de cochon» double spire sont prévues d’origine.
Trois travaux en un passage
Disques d’allée
Une paire des disques remonte la terre superficielle de l’allée, en même temps qu’elle effectue un petit travail très superficiel de désherbage. Ces disques d’allée sont montés sur un chassis articulé. Travailler la planche plus ou moins en profondeur ne changera donc pas la façon de travailler les allées. La profondeur de travail des disques d’allée est réglée une fois pour toutes par l’ajout d’une petite cale, qui sert de pièce d’usure, sur la butée de profondeur.
Ameublissement à dents
Fissuration
Le travail de structuration / ameublissement de la planche de culture est réalisé par les cinq dents ressort double spire, munies de petits socs à ailettes. Évidemment, ce type de dents ne permet pas l’incorporation d’une grosse masse de végétaux, type engrais vert. Mais cela n’est pas vraiment sa vocation : c’est la butteuse qui est là pour çà ! Par contre, l’évolution dans le sol des matières organiques précédemment incorporées par la butteuse s’en trouve facilitée car on obtient un milieu aéré et à l’humidité bien drainée.
Finition de planche
En fin de travail, une herse à dents vibrantes gère nivelage et finition. Sur ses cotés sont fixées des flasques qui maintiennent le bord de la planche travaillée. Cette herse articulée est réglable hydrauliquement.
En pratique
Reprises et réglages
Le cultibutte permet la reprise d’une planche déja «montée» par un passage de butteuse.
La profondeur de travail des dents double spire peut se régler de 0 à 30 cm par rapport au niveau des allées permanentes. Le réglage s’effectue facilement en ajustant la hauteur des roues de jauge prévues à cet effet.
Chez la plupart des maraîchers en planche permanente, ce réglage est fait à maximum 10 cm en dessous du niveau des allées : dans une terre préservée du tassement comme ce peut être le cas en planche permanente, le décompactage en profondeur n’est plus indispensable. Cela peut même être nocif dans certains cas. Les résultats des cultures et des profils de sols confirment ce point de vue.
Nous nous sommes rapidement rendu compte que l’efficacité du profil du soc et de celle de l’action vibrante des dents ressort avaient tendance, dans nos sols, à «en faire trop». Il nous a semblé que :
- le travail de cinq dents avait tendance à déstructurer le profil de la planche de culture
- le positionnement des dents de bordure avait tendance à fragiliser l’allée permanente.
Nous avons donc supprimé deux des dents, et écarté un petit peu plus les trois conservées tout en éloignant les deux extérieures un peu plus du bord de la planche.
Économie
Diminution du nombre de dents, de la profondeur de travail… ce respect du sol apporte en plus bien des économies :
- d’usure de matériel 🙂 ,
- d’énergie (faible consommation du tracteur ) 🙂 ,
- de temps de tracteur (par la vitesse de travail permise de 2 à plus de 4 km / heure) 🙂 .
Le rendement de chantier est multiplié par 5 à 10 comparativement à la bêcheuse alternative 🙂 .
Agronomie
Le travail au cultibutte est agronomique car la structure du sol n’est pas brisée violemment et artificiellement (comme avec les rotatifs), ce qui limite les phénomènes de battance et les risques de reprise en masse 🙂 . Sans parler de l’état de la faune du sol quand elle est brutalement malaxée par de la ferraille animée…
Précautions
En fin, plus généralement et à long terme, l’usage du cultibutte impose d’alterner systématiquement le sens de travail des planches, pour ne pas tirer la terre toujours dans le même sens : les bouts de planche sont ainsi mieux travaillés. Mais c’est une précaution valable avec tous les outils à dents ou à disques, et souvent avec certains rotatifs aussi.
Pistes d’amélioration/adaptation
Socs scalpeurs
Avec des socs appropriés (plus larges) et un réglage modifié (très superficiel) le cultibutte peut faire
- un travail de déchaumeur (pour «casser» un engrais vert),
- ou de sarcleuse (pour détruire une levée d’herbe trop avancée pour être reprise au vibroplanche).
Ces utilisations possibles sont une raison supplémentaire de choisir dès le départ le système de fixation rapide des socs sur les dents : un investissement qui peut sembler à première vue «luxueux»… mais seulement tant qu’on n’en a pas eu besoin ! Et que l’on regrette de ne pas avoir fait dès qu’on s’est trouvé dans l’obligation de changer de socs ! Raison supplémentaire aussi de posséder 2 dents de plus pour travailler en surface (car on en utilise souvent deux de moins pour travailler en profondeur) avec des socs étroits.
Souplesse d’utilisation
Il est très intéressant aussi parfois de pouvoir utiliser le cultibutte sans la herse. C’est ce point qui a été beaucoup travaillé par nos collègues Québécois qui ont fait franchir au cultibutte un pas décisif dans son évolution en modifiant le bâti arrière d’origine. Alors que dans la version originelle du cultibutte la herse est fixée par des boulons à l’ossature qui en permet le relevage, leur idée a été de remplacer ce système «définitif» par un second attelage par triangle : le bâti de finition devient ainsi amovible.
Par choix de rationalisation (économie de matière, de poids), l’Atelier Paysan propose dans ses stages de construire ce deuxième triangle avec du carré plutôt que d’installer un triangle mâle du commerce, lourd, trop pour nos petits tracteurs à cet endroit en porte à faux.
Ce triangle reste bien sûr commandé par le vérin d’origine qui réglait la herse niveleuse. Ainsi modifié, le cultibutte peut donc être complété par tout bâti qui convient 🙂 .
Rouleaux combinés
Il peut être très intéressant de pouvoir remplacer la herse (qui par système, a tendance à ratisser les éléments végétaux et les accumuler en bout de planche) par un rouleau, adapté à ses propres conditions : la gamme est vaste ! Le but étant d’éviter les bourrages (de terre, de résidus de récolte, de fumier, etc…). Ces bâtis de finition interchangeables, permettent de mieux s’adapter aux différentes situations rencontrées. Et grâce au triangle, il devient même possible de les utiliser seuls si besoin. Les possibilités sont multiples !
Chacun adapte les vieux outils locaux traditionnels qui conviennent à son sol, ceux qu’il bricole car ils conviennent bien à sa façon de travailler. Des cas d’adaptation sont sur le site de l’Atelier Paysan.
Nos bâtis autonomes
Les Biaux Jardiniers utilisent principalement deux bricolages :
Double rouleau de vibro
La récupération de rouleaux «classiques», c’est à dire dont la partie travaillant est composée de fer plat crénelé, qui fait un gros travail de mélange et aération superficielle.
Au point que dans cette configuration de bogie vibro, plus agressif que la herse, on peut souvent planter directement derrière le passage de cultibutte, sans autre travail de finition. Ou bien réaliser ce seul passage dans les cas où il est sage de s’en contenter : ici en reprise rapide, à l’annonce de pluies, de planches butées pour l’incorporation de l’engrais vert pluriannuel avant de semer un petit engrais vert hivernant de protection, avant légumes de printemps.
Et dans certains cas de reprise après une récolte de légume, si les résidus végétaux ne sont pas trop abondants, la combinaison cultibutte + rouleau de vibro double donne une finition suffisante pour semer un engrais vert. Avec l’avantage d’éliminer à peu près tout risque de bourrage.
On peut aussi en cas de besoin, grâce au système de double attelage triangle lancé par les Québécois, utiliser le bogie seul.
Bêches roulantes
Les Biaux Jardiniers, pour leur part, sont, en tant que bressans, depuis bien longtemps utilisateurs de la houe, outil autrefois très répandu en Bresse. Et souvent appelé «train de bêches roulantes». À « l’époque héroïque » des prémices de l’auto-construction, le Biau Jardinier Canal Historique en avait d’ailleurs donné un modèle à articulation centrale à son ami Joseph pour l’inciter à « en faire quelque chose » dans les terres riches en galets des morènes des Jardins Du Temple; nul doute qu’il en sortira « quelque chose » !
Dominique Soltner
agronome et incontournable auteur de nombreux livres d’agriculture très illustrés signale cet outil dans le tome 1 de sa série «les bases de la production végétale»
Houe bressane tradi
Les Biaux jardiniers ont donc récupéré quelques éléments sur un de ces anciens outils restant dans le stock de minerai, pour en faire un rouleau combinable à leur cultibutte de la première génération, lors de la remise à niveau en stage auto-construction idoine.
Ce rouleau peut évidemment lui aussi s’utiliser seul. C’est bien pratique – et suffisant – pour par exemple reprendre une planche victime d’un orage après un passage de cultibutte. Ou pour la destruction d’une levée d’adventices en cours : au stade filament blanc, ce stade idéal pour intervenir vite et bien!
Les Biaux Jardiniers avaient amené leur montage avec les bêches roulantes lors des journées 2016 de l’Atelier Paysan près de Cluny. On trouvera photos, infos et détails sur l’utilisation, traditionnelle comme contemporaine, de cet outil dans l’article complet «train de bêches roulantes». Bonne lecture !
*
Les planches permanentes sur la base de connaissances de Ça se cultive point fr :
- archéologie de la démarche => tous détails illustrés ici
- la bascule à triangle, pour la souplesse et la simplicité => tous détails illustrés ici
- la butteuse à planche, pour «monter» la planche => tous détails illustrés ici
- le cultibutte, pour structurer tout le profil de la planche => tous détails illustrés ici
- le vibroplanche, pour obtenir un bon lit de semence => tous détails illustrés ici
- de la culture à plat au système planche permanente => plein de détails de terrain ici
- expérimentation du ROLOFLEX => plein de détails ici.
* * * * *