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Autoconstruction de la fertilité 1 : notre rotation À BASE d’engrais vert

Intérêts des engrais verts

Base agronomique

À la base de l’agriculture biologique [1]et quoi qu’omettent d’en dire les vidéos à buzz permacole intensif et « vivant », la pratique des engrais verts consiste à introduire, dans la succession des cultures valorisées par la vente, des cultures valorisées par le sol lui-même (elles sont broyées sur place et digérées par le sol) et/ou par le seul milieu (surface facilitant la diversification de la faune).

photo par drone du jardin avec sa grosse proportion de carrés en engrais ver pluri-annnuel

On peut voir les engrais verts comme

  • l’amélioration,
  • la modernisation
  • la systématisation

de la fameuse «rotation triennale» qui a permis aux paysans des siècles derniers de nous transmettre des terres encore fertiles après s’en être nourris pendant de nombreuses générations. Sagesse agronomique le plus souvent ignorée par les maraîchers péri-urbain du siècle dernier. [2]à noter que leurs techniques – que l’histoire nous a démontré par les faits être de grosses erreurs agronomiques – sont revenues fort à la mode dans les milieux de l’édition de … Continue reading

Maraîchers péri-urbains de petite surface des années 50/80 qui avec des successions hyper-intensives et exclusivement en légume (dont beaucoup de brassicacées) ont laissé des sols hyper fertilisés, mais épuisés, bourrés de nématodes, à terme inaptes à toute culture nourricière… autre que celle du béton et de quelques «espaces verts».

Prévention

Semer des engrais verts annuels (donc pas uniquement en dérobé bref) – et surtout des engrais verts pluri-annuels – permet d’allonger le temps de retour d’une même famille de légume à une même place, ce qui est déterminant dans la prévention des maladies et ravageurs.

Place dans la rotation

Tous les engrais verts «prennent de la place»… dirait Monsieur de La Palice, puisque effectivement, tout carré en engrais vert ne produira pas de légume au même moment. Mais il est bien facile de les inclure dans la rotation légumière : cela implique simplement de s’organiser rigoureusement pour avoir de la place disponible pour eux au jardin (jardin Bio EXtensif donc).

photo générale des légumes, engrais verts pluriannuels et tunnels

Autonomie paysanne

Tous les engrais verts ont l’avantage d’augmenter l’autonomie de la ferme qui ainsi produit elle-même une partie de la fertilisation – notamment azotée, mais pas que – dont elle a besoin… Au lieu d’y importer des intrants achetés, souvent d’ailleurs à l’industrie. Les engrais verts favorisent l’activité microbienne et toute la vie du sol. Les cultiver évite d’être tenté d’acheter les produits miraculeux (liquides ou pas) autorisés en bio qui font la fortune de leurs fabricants… et d’eux seuls.

L’engrais vert est une technique

  • simple,
  • économique,
  • maîtrisée par le paysan.

 

Bref, a-dap-tée

Son développement apporte de nombreux bienfaits au sol sans autre travail du paysan que leur implantation : l’engrais vert pousse et fertilise la terre même quand le paysan fait la sieste !

Une «vraie» culture

L’engrais vert est une culture à part entière. Tous les engrais verts demandent

  • de la semence (qu’il faut acheter ou produire),
  • du matériel de culture (qu’il faut financer et entretenir),
  • du temps de travail (qu’il faut fournir),

pour espérer obtenir une belle «récolte», qui apportera un beau résultat. Mais une fois en place et correctement entretenu, l’engrais vert fertilise et ameublit le sol, étouffe les plantes adventices parasites des légumes, favorise et biodiversifie la faune, etc… gracieusement et sans relâche, jour et nuit !

Différentes familles de végétaux sont utilisées comme engrais vert, chacune avec ses avantages. Et bien sûr ses inconvénients !

Les fabacées (légumineuses )

photo de planches de vesce en fleur violette
Principalement vesce avec un petit peu de seigle

Les fabacées fixent l’azote atmosphérique dans les nodosités de leurs racines. Leur culture est donc un apport d’engrais «gratuit» pour la culture suivante. C’est ainsi une production d’azote « sans risque » [3]contrairement à la fabrication d’azote de synthèse, comme chez AZF Toulouse, ou à son stockage comme dans le port de Beyrouth

Mais la plupart ont tendance à se coucher et donc mal se développer : elles auraient besoin d’un tuteur ! que la graminée peut fournir…

Les poacées (graminées)

produisent beaucoup de racines, leur culture est donc un travail d’ameublissement du sol gratuit pour la culture suivante : elles «montent au soleil» et sont donc un bon tuteur. Mais leur destruction mécanique et surtout leur incorporation peut s’avérer délicate.

photo de broyage de planches semées en seigle principalement
Engrais vert de seigle avec un petit peu de vesce

Les graminées exotiques (donc résistant bien à la chaleur et à la sécheresse, principalement moha et sorgho) peuvent être utilisées quand on cherche une production rapide d’une grande masse végétale : sous tunnel ou en plein champ en plein été. Selon le but recherché, on peut broyer la culture jeune

photo d'archive broyage de sorgho cultivé en plein lors du défrichage du jardin milieu des années 90
photo d’archive (milieu des années 90) broyage de sorgho cultivé en long et à plat lors du défrichage du jardin

ou déjà un peu lignifiée.

photo de broyage de sorgho mûr
photo d’archive (fin des années 90) de broyage de sorgho mûr pour un apport important de matière à tendance carbonée

Fabacées et poacées sont annuelles ou pluriannuelles selon les espèces.

En place pour 3 ans, la luzerne

photo de planches en engrais vert luzerne bien développé avant floraison en place pour 3 ans

  • désherbe efficacement,
  • ameublit en surface
  • fissure en profondeur,
  • fertilise en azote.

Les brassicacées (crucifères)

poussent très vite, «remontent» du soufre, ont une racine pivotante capable de passer certaines «semelles de travail» provoquées par l’usage trop systématique des outils rotatifs. Raisons pourquoi elles sont souvent cultivées chez les maraîcher ayant choisi de pratiquer une rotation intensive sur petite surface. Mais elles sont de la même famille que les divers choux, les navets, les radis, mescluns à base de moutarde, etc… qui occupent déja une grosse proportion de la surface dans la rotation. Nous ne les utilisons donc jamais en engrais vert : pour éviter les risques sanitaires (hernie, entretien des populations d’altise, etc…).

Par contre, nous utilisons fréquemment deux engrais verts à pousse rapide qui ont l’avantage de ne compter aucun légume dans leur famille :

Les «isolés»

La phacélie

(de la famille des hydrophyllacées) dont les belles fleurs mauves attirent bien les insectes butineurs. Mais sa graine est petite et délicate à semer à la faible densité qui lui convient pour prospérer ; elle peut geler selon son stade de développement.

photo de fleur mauve de phacélie visitée par un butineur

Le sarrasin

ou blé noir (de la famille de polygonacées) a un effet désherbant. Mais comme sa maturation est échelonnée, il peut facilement se ressemer et ainsi se révéler salissant.

photo de planches en engrais vert de sarrasin en fleurs blanches

 

Le sarrasin est très gélif, ce qui est un avantage si on cherche à couvrir le sol en automne avant une culture précoce de printemps.

photo de planches de sarrasin pur prêt à entamer sa floraison blanche

 

Les mélanges simples

Bien évidemment, le paysan gagne le plus souvent à mélanger différentes espèces d’engrais vert, pour associer leurs diverses caractéristiques, cumuler les avantages, augmenter la durée d’action de l’engrais vert, et aussi répartir les risques éventuels.

Quelques cas au Biau Jardin de Grannod :

Mélange poacées fabacées (ici seigle multicaule / trèfle incarnat) : il concilie fissuration et ameublissement profonds pendant l’hiver avec fixation gratuite d’azote atmosphérique au printemps.

photo de trèfle incarnat en fleur pourpre au pied de seigle multicaule à très grande tige

Le trèfle incarnat est une culture traditionnelle de la Bresse ; il fournissait aux bêtes le premier fourrage riche du printemps. C’est un plaisir de le voir fleurir au jardin.

photo de l'intense couleur pourpre du trèfle incarnat hivernant et précoce au pintemps

Le mélange phacélie / avoine / seigle combine

  • attrait pour les pollinisateurs en été automne
  • avec résistance au gel
  • et fissuration racinaire en hiver printemps.
  • Et baisse du coût en semences du mélange puisque la proportion de céréale augmente.

photo de mélange phacélie fabacée et céréale

Le mélange sarrasin / trèfle d’Alexandrie valorise la complémentarité de ces deux plantes en allongeant la durée d’action de l’engrais vert : le sarrasin couvre vite le sol à l’automne (il «désherbe» bien la parcelle) et sert d’abri humide à l’installation du trèfle qui se développe en hiver puis «explose» au printemps quand le sarrasin, lui, détruit par le moindre gel, ne laisse que ses tiges beiges et mortes sur le sol. En cas d’hiver rigoureux, tout est détruit et les planches peuvent être travaillées dès la sortie de l’hiver.

photo en sortie d'hiver gélif de mélange qui garde sa fonction de courverture

Pendant la saison, nous utilisons aussi du mélange sarrasin / phacélie pour sa floraison. Et il est rapidement très couvrant.

photo de planche de mélange sarrasin phacélie en cours de végétation

Etc…

La biodiversité ?

Au fur et à mesure des années, la pratique des Biaux Jardiniers s’oriente vers de plus en plus de biodiversité dans la composition des mélanges d’engrais verts, qu’ils soient annuels, bisannuels, ou pluri-annuels. Pourquoi ? L’humanité sait depuis bien bien longtemps, puisqu’on le lit dans l’Ancien Testament (ce qui ne date donc pas d’hier…) que : «l’ennui naquit un jour de l’uniformité». Ce qui confirmerait à priori que l’idée globale et absurde du choix de la monoculture, mis en place il n’y a finalement qu’un demi-siècle par l’agrochimie productiviste, ne pouvait mener qu’à l’impasse (aussi grassement subventionnée que gravement polluante) que nous constatons aujourd’hui.

Existent «dans la vraie vie» de très nombreuses plantes qui

  • par leur odeur,
  • leur pollen,
  • leur forme,
  • leur mode de végétation,
  • etc..

 

se distinguent des engrais verts «classiques» listés précédemment. Ils peuvent donc potentiellement héberger des insectes qui ne seraient pas attirés autrement car le milieu ne leur conviendrait pas, ou leur conviendrait moins… Ces caractéristiques avantageuses venant s’ajouter aux nombreuses actions, par nature différentes, des divers systèmes racinaires ou végétatifs des principales espèces de la flore prairiale, souvent complémentaires !

Il nous semble qu’on peut pratiquer deux grands types de mélanges possibles :

  • soit principalement composés dans un objectif maximum de biodiversification, et plus ou moins complétés par un peu de poacées et fabacées,
  • soit principalement composés dans un objectif pluriannuel et racinaire, et plus ou moins complétés par diverses espèces «diversifiantes».

Biodiversification

Bien que tous les engrais verts aident à la multiplication des insectes auxiliaires,

photo de coccinelle adulte sur mélange fabacées poacées

photo d'un puceron parasité par un aphidius

nous utilisons aussi des mélanges de très nombreuses espèces dans le but de diversifier la faune auxiliaire en diversifiant la flore leur servant potentiellement d’accueil. Ces plantes mélangées sont semées :

  • soit le mélange diversifié «seul» plutôt pour l’été, avec un but prioritaire de diversification de l’entomofaune
  • soit comme «condiment» ou «épice» d’un mélange plus classique, y compris pluri-annuel.
  • Évidemment rien n’empêche aussi d’ajouter à un mélange diversifié une petite proportion d’une céréale (résistante au gel) de façon à ne pas laisser nue en hiver une parcelle qui a bénéficié pendant l’été d’un mélange de diversification gélif. Un cas sur la photo ci dessous : en mars, après l’hiver qui a détruit le mélange floral (à base de sarrasin mais pas que) dont ne restent que les tiges gelées, les céréales «démarrent» après avoir protégé le sol tout l’hiver contre les lessivages et l’érosion.

photo en sortie d'hiver gélif des fleurs détruites servant d'abri au démarrage de la céréale

Les seules limites sont :

  • l’imagination du Biau Jardinier et ses compétences (notamment la connaissance plus précise de : quel est le ravageur – inféodé à quelle plante – qui attirera donc son prédateur au jardin ?

photo d'engrais vert en mélange au stade développement mélange

  • la disponibilité de la graine…
  • et (last but not least) la qualité technique du semoir… ! qui impose lui aussi ses limites en terme de diversité de calibre de graines.

photo de graines de toutes formes, couleur et calibre d'un engrais vert diversifié

Reste ensuite à mettre en œuvre…ce qui n’est pas toujours le plus facile.

Et le résultat n’est évidemment pas garanti !

Par exemple, après avoir semé du coquelicot dans des bandes fleuries, le Biau Jardinier avait pu en récolter la graine (minuscule : 6 000 graines au gramme nous dit la littérature…nous n’avons pas vérifié !) la nettoyer (sommairement) et la semer en mélange avec un engrais vert. Les résultats ont été… «encourageants» dit l’optimiste, «plutôt raté», dit le pessimiste… car la régularité n’est pas au rendez vous !

photo de coquelicot en fleur très inégalement réparti dans les planches d'engrais vert en mélange

Nos premiers essais d’engrais vert multi-espèces datent du changement de millénaire : nous en avions essayé sous l’amicale pression «militante» de Roger, notre technicien maraîchage, qui tentait de mettre en place leur diffusion en France.

photo de Roger Raffin en appui technique à pascal Pigneret au tout début de ce millénaire

Cela concernait à l’époque 2 mélanges (de respectivement une trentaine et une cinquantaine de plantes différentes) mis au point en Italie sur une très grosse ferme légumière biologique dont il avait organisé la visite. Le distributeur français avait adapté sa composition au climat Rhône-Alpin ; puis, peu d’années après, abandonné ce créneau commercial parce que non rémunérateur. Comme quoi, c’est grand tort d’avoir raison avant la mode.

Les engrais verts pluriannuels

Au Biau Jardin de Grannod, une proportion importante des planches permanentes est couverte par un mélange complexe en place pour 3 années successives. La base en est un mélange type prairie temporaire à flore variée (8 / 10 plantes différentes), qui est complété par autant d’autres plantes – pluriannuelles, mais aussi quelques annuelles – qui nous paraissent particulièrement adaptées chez nous. Notre recette s’est affinée au cours des années (des échecs ?)

photo d'un mélange complexe pluriannuel en cours de végétation

Et puisque la bonne cuisine demande quelques épices, mais en très faible quantité pour ne pas masquer le goût du plat principal, le mélange est «condimenté» en fonction des disponibilités de nos fournisseurs ou de ce que nous avons pu récolter des espèces dont nous cultivons la graine, par une vingtaine d’autres végétaux, chacun en toute petite quantité.

photo de mélange en végétation riche en fleurs, aromates, etc...

Les engrais verts pluriannuels, si le mélange est assez diversifié, offrent en plus l’avantage de changer d’équilibre entre les diverses espèces, non seulement en fonction du sol ou de l’exposition de la parcelle, etc… mais aussi au fur et à mesure de la saison, comme dans son évolution d’une année sur l’autre, en fonction de la hauteur de fauche, du nombre de broyages, etc… Cela amène donc d’autant plus de biodiversité, puisque tous les carrés en engrais vert pluriannuel du jardin ne sont pas semés tous la même année ou la même saison, avec exactement le même mélange !

photo d'un engrais vert en mélange plus riche en trèfle incarnat et plantain

Les Biaux Jardiniers sont très heureux quand leur jardin bénéficie de la réussite d’un mélange d’une trentaine de végétaux la plupart pérennes !

À nos yeux, le maraîchage bio EXtensif, c’est beau à vivre !!!

photo d'un mélange pluriannuel à base de luzerne et très riche en floraisons très diversifiées

Les Biaux Jardiniers expérimentent un peu chaque année pour s’approcher d’un mélange adapté au mieux à leurs conditions ; et peu à peu, de beaux résultats apparaissent. Notamment un autre mélange pluriannuel d’une grosse vingtaine de plantes différentes dont moitié de fabacées et poacées.

photo d'un mélange de plus de 20 végétaux en magnifique floraison, rouge, mauve, jaune, blanc, etc

L’enjeu restant de conserver encore assez de biodiversité au bout des trois années…

Mais fort heureusement, la recette miracle, celle

  • qui répond à tous les objectifs,
  • qui fonctionne tous les ans à coup sûr
  • et qui pourrait servir de matière à un best seller chez Actes Sud and Co ou sur le net,

 

ils ne l’ont pas encore découverte. Peut-être simplement par ce que çà n’est pas exactement elle qu’ils cherchent… parce qu’ils pensent qu’elle n’existe fort heureusement pas…

C’est un des bonheurs du métier de paysan-maraîcher : essayer, observer, tirer ce qui semblent les conclusions des leçons qu’on croit avoir comprises, avoir conscience qu’on n’a pas tout saisi… et pratiquer pour produire, et vendre, des légumes pas du buzz. Bref : ÊTRE paysan…donc ni expert conseil, ni coach, ni technico-commercial, ni salarié de développement du para-agricole !

* * * * *

References
1 et quoi qu’omettent d’en dire les vidéos à buzz permacole intensif et « vivant »
2 à noter que leurs techniques – que l’histoire nous a démontré par les faits être de grosses erreurs agronomiques – sont revenues fort à la mode dans les milieux de l’édition de livre ou de la vente de stages de développement personnel qui «se font du gras» sur l’envie de retour à la terre de ces nombreuses personnes ayant de grosses difficultés à trouver assez de terrain pour en vivre, mais aussi à se former professionnellement ( = réellement) pour acquérir une expérience de terrain leur permettant de «se lancer» avec plus de chances concrètes.La spécialisation en mesclun (= la spéculation sur le prix de vente du mesclun) prônée chez les adeptes du micro-maraîchage intensif, avec donc un retour très fréquent au même endroit de ces mélanges très riches en brassicacées est une méthode radicale… pour être envahi,  notamment, de hernie du chou…à court ou moyen terme !
3 contrairement à la fabrication d’azote de synthèse, comme chez AZF Toulouse, ou à son stockage comme dans le port de Beyrouth
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