Y’a l’choix !
Les générations précédentes de paysans maraîchers et d’artisans ruraux ont empiriquement mis au point toute une gamme d’outils, adaptés à diverses situations concrètes. L’industrie en a produit. Ces outils ont de nombreuses qualités, et parallèlement à la mécanisation, gardent tout leur intérêt. L’usage et la tradition leur ont donné un nom, qui peut varier selon les régions. Des fabrications récentes apparaissent aussi.
Houe maraîchère
Appelée aussi pousse-pousse, la houe maraîchère s’utilise poussée devant soi en marchant, avec des gestes du bras qui la font régulièrement revenir un petit peu en arrière : pousse – pousse – pousse… dans un rythme proportionné à celui du pas.
Planet historique
Les modèles historiques de type « Planet » avaient des manches en bois sur un châssis en acier fondu. Et plusieurs outils dont les traditionnelles lames de sarclage dérivées du type Lelièvre mais avec un angle « maraîcher ». Ça n’était pas forcément le plus confortable. La société américaine Allen produisait à Philadelphie, sous le nom de Planet, toute une gamme de houes et semoirs à bras, outils pour cheval, etc… Les houes et semoirs étaient encore en service dans les années 70/80. Sur notre première ferme, un voisin nous avait prêté la sienne… Un catalogue des années 1920 est accessible en ligne en cliquant sur sa photo de couverture.
Actuellement
Actuellement, de nombreux modèles du commerce, sont réalisés en tubes et plats soudés, souvent bien lourds, ce qui – à minima – n’est pas utile à cellelui qui actionne l’outil. Dans le but de transformer la houe en outil universel, divers accessoires peuvent se fixer en lieu et place de la lame oscillante. Nous ne les utilisons pas : nous utilisons la houe pour biner précocement.
Les manches de notre houe maraîchère sont des tubes cintrés boulonnés sur un petit bâti composé d’un fer en U sur lequel sont soudés des fers plats cintrés. Ce sont eux qui reçoivent les brides de fixation des différents outils. Un des intérêts de cette conception est que, tout en n’étant pas lourde du tout, cette houe est beaucoup plus stable que celles en alu à roue plastique. De plus, son centre de gravité est assez bas pour ajouter bien du confort au travailleur.
La fixation des manches par brides et boulons facilite (au delà de son expédition) une adaptation rapide à la morphologie de qui s’en sert.
À noter
- qu’une patte accueille la petite clé de réglage qu’on y bloque par un boulon à confortable tête plastique, c’est trop pratique !
- qu’était monté d’origine un troisième manche, articulé celui-ci pour qu’un acolyte placé devant aide à la traction en tirant.
Cette houe simplissime, adaptée, et peu coûteuse, a été importée en Europe occidentale peu après la « chute du mur » par un technico-commercial letton à l’esprit vif qui a temporairement lancé la fabrication de quelques uns des outils de petit maraîchage dont la production avait été abandonnée fin des années 60′.
Bref, du LOW TECH et LOW COST en technologie de type soviétique. Mais en techno soviétique ET low cost seulement avant l’heure des buzz en vidéos sur ces sujets…
La houe nous sert uniquement aux premiers binages des légumes à croissance lente, montée avec une lame oscillante (il en existe de différentes largeurs) de fabrication suisse à l’origine. Cette lame permet un travail très très précis. C’est un outil suffisamment confortable et efficace pour ne pas l’utiliser uniquement sur de petites occasions.
Il est bien facile de travailler de côté pour ne pas marcher sur ce qu’on vient de faire, surtout en planche permanente car pour « pautricher », on a l’allée qui est faite rien que pour çà. Semer à trois rangs, en plus d’ajouter de l’aération aux légumes, apporte du confort aussi au paysan qui reste plus d’aplomb. Et alterner le sens du travail permet de changer de côté régulièrement pour « redresser la bourrique ».
Un passage de houe est assez rapide. L’outil peut donc accompagner la culture, même sur assez belle surface, pendant plusieurs semaines.
Roue sarcleuse
Outil beaucoup utilisé aux Pays-Bas et en Belgique, la roue sarcleuse s’utilise elle aussi poussée devant soi. Mais on peut s’en servir sans mouvement alternatif régulier de retour : simplement en l’avançant devant soi.
Elle se compose de trois éléments :
- une lame horizontale fixe,
- une roue avec des pales,
- deux tôles de protection.
Le principe de fonctionnement est simple :
- la lame fixe coupe les plantules et leurs racines,
- le mouvement rotatif de la roue les coupe, soulève, et expose à l’air
- les tôles évitent aux feuilles d’être happées par le mouvement de rotation.
Lors du voyage de maraîchers Rhône Alpes dans le Sud-Ouest, un collègue originaire des Pays-Bas nous a montré sa « collection » : tous modèles équipés des petites tôles latérales qui écartent les feuilles des légumes en cours de végétation, ce qui leur évite d’être happées puis coupées par les fers plats de la roue. Il en possède de différentes largeurs, ce qui confirme aussi que les techniques agricoles utilisées ici ou là le sont aussi sur une base Kulturelle.
Les modèles remis en fabrication il y a peu d’années par une jeune entreprise française n’ont pas cet avantage de tôles protège plants, et c’est parfois bien dommage !
Le travail de la roue sarcleuse est d’autant plus efficace contre les adventices que la vitesse d’avancement est rapide.
Belette
Un autre modèle de roue à manche est plutôt conçu pour travailler en tirant : la belette. Pourquoi ce nom ? Mystère… L’outil est composé d’une lame oscillante, qui coupe les plantules, associée à une série d’étoiles, dont le mouvement rotatif expose à l’air leurs racines et défait les mottes.
Si l’on n’aime pas travailler en compagnie de musique ultra contemporaine, il est recommandé de mettre régulièrement un peu de dégrippant dans l’axe de rotation des étoiles. La «belette» fonctionne sur le même principe que la roue sarcleuse car les deux parties de l’outil travaillent de façon complémentaire. Mais plutôt par mouvement alternatif, en marche arrière.
Râpettes
Il existe une grande variété de « râpettes », la plupart légères, non forgées.
Selon l’angle de travail, la longueur du manche, on peut travailler plus ou moins près du légume, le travailleur en position plus ou moins droite. La lame permet de biner entre les légumes, notamment sur le rang.
Comme la lame est fixée centralement par un col de cygne, on peut «passer» très près, notamment sous les feuilles de la salade.
Mais on s’en sert aussi pour le seul entretien entre les rangs.
- Des modèles sont conçus pour être utilisés «en tirant».
- D’autres, plus épais, en acier forgé, pour travailler « en poussant ».
Parmi les maraîchers péri-urbains, et particulièrement pour biner la salade, chacun avait sa religion, bien établie par sa pratique.
Vidéo tomate
C’est avec la râpette que chaque semaine, les Biaux Jardiniers binent les légumes palissés sous abri, tomate, concombre, etc… En effet, plutôt que sur toile noire tissée couvrant la planche comme majoritairement, nous menons ces cultures sur sol nu, pour favoriser la multiplication des insectes auxiliaires, Aphidoletes notamment, et leur installation dans nos abris. Et couvrons seulement l’allée permanente.
« LE » sarclot
Le particulier rural du siècle précédent utilisait le sarclot pour butter pomme de terre et haricot. Le viticulteur pour casser les quelques herbes qui avaient échappé au binage mécanique. Le Biau Jardinier pour butter, et … sarcler. Il a acheté son sarclot il y a plus de quarante ans, chez les forgerons proches de sa première ferme.
C’est un outil un peu lourd, donc paradoxalement très confortable, puisque on dispose de la force procurée par sa masse quand il redescend frapper une herbe (ou une motte). Le manche sert ainsi de levier pour économiser la peine du paysan(e)-travailleur(e).
Le manche permet d’aller « chercher la terre » un peu loin du rang pour l’ameublir en surface, puis dans le même geste la ramener sur le rang souplement et en hauteur. Cela permet de butter sans abîmer les racines superficielles.
Le Biau Jardinier s’en sert aussi pour supprimer quelques pieds d’indésirables qui tentent de s’installer dans les engrais verts jeunes, y éliminer les repousses de la culture précédente , les bandes fleuries, pour quelques fignolages, etc…
Un ami-collègue nous en a forgé un bien joli pour essai…
Officiellement.
Décemment.
… en attendant que l’usage chez nous en ait validé tous les aspects et qu’il se lance dans la fabrication « industrielle » de plusieurs de ces outils traditionnels. Ainsi chacun des Biaux Jardiniers sera doté de « son » sarclot 🙂 ! Bien emmanché !
Les manches !!
Sarclot, râpettes, etc… nécessitent des manches. Et attention : un manche, c’est fait pour s’en servir ! Avec les mains bien sûr, mais aussi… le dos !
Alors la prudence professionnelle consiste évidemment à fuir tous les marchands qui proposent des manches « en bois ». Car de nos jours, en grande surface bricolage ou sur internet, cela signifie au mieux « en résineux », voire type manche à balai de cuisine… Le manche en hêtre, plus cher, est un peu moins pire, mais pas vraiment un bon manche. Car le bois de hêtre est garni de « maille » et manque évidemment beaucoup de fil. Sa « dynamique » n’est ni agréable ni efficace. De plus, il est râpeux à l’usage, et les mains maraîchères délicates 🙂
Pour un usage maraîcher, les Biaux Jardiniers aiment les manches en frêne… parfaitement adaptés aux exigences de leurs blanches mains, et de leur efficacité musculaire ! C’est bien sûr régulièrement considéré comme un caprice ou un luxe… mais bon, « quand on a les moyens » : moins de 50 euros le paquet de 10 🙂 en se déplaçant chez le fabricant… et la place horizontale à l’ombre d’en stocker 4 ou 5 paquets pour avoir à tous les coups le type qui convient.
Couteau et pouce préhenseur
Un petit outil très perfectionné existe aussi à la disposition des Biaux Jardiniers : leurs mains. Les humains sont les seuls mammifères qui bénéficient d’un pouce préhenseur opposable aux autres doigts. C’est un outil TRÈS performant, dont, comme le sarclot et le tracteur, nous n’envisagerions pas de nous passer 🙂 , et que nous ne rechignons pas à utiliser, éventuellement complété par des gants, en compagnie du couteau et du seau, dans deux types de circonstances. .
1°/ Dès lors qu’il s’agit de fignolage efficace visant à « enlever ce qu’on a oublié » avant que ce ne soit trop tard
Officiellement.
Décemment.
ou autre petit rattrapage de finition. Si c’est rapide = si les premiers binages – à la houe comme mécaniques – ont été réussis.
2° / Quand c’est un incontournable inhérent à la culture en question (carotte, panais)
et qu’on prévoit d’y arriver en un temps « raisonnable » nous organisons donc un « commando ».
Puisque effectivement tous les travailleurs du Biau Jardin de Grannod ont droit à juste et complète rémunération.
Mais en cas d’invasion, et donc de temps de travail non finançable par le prix de vente, nous choisissons de ne pas pratiquer l’acharnement thérapeutique et euthanasions la culture. Raison pourquoi nous faisons en sorte que cela n’arrive pas :
- nous avons investi dans des matériels de binage, adaptés, efficaces,
- les binages hebdomadaires sont notre incontournable priorité,
- ainsi nous avons l’esprit plus tranquille quand chaque culture est « garantie »
- mais nous passons parfois pour des maniaques perfectionnistes [1]Car en effet nous ne savons pas comment vivre décemment de maraîchage sans récolter qualité et quantité commercialisables à prix acceptable par nos clientèles. Et notre choix de vie ne … Continue reading
Avantages des outils à main
Ils sont nombreux :
- leur absolu silence, dû à l’absence d’usage d’énergie fossile par l’utilisation exclusive d’énergie motrice humaine, dite « renouvelable »
- leur parfaite adaptation à toute une série de petits travaux : mise en route rapide, pas de réglages, travail solitaire possible,
- la position de l’utilisateur, qui change de la station accroupie souvent nécessaire évidemment pour cueillir, mais aussi pour désherber manuellement ce que les bineuses, guidées ou non, n’atteignent pas toujours à 100%,
- la position de l’utilisateur, qui change de la station assise sur le siège du tracteur indispensable pour sa conduite et apparemment génératrice de bien des problèmes abdominaux si on en juge par les évolutions de silhouette chez les jeunes agriculteurs,
- la position de l’utilisateur, qui fait que, alors que lorsque le cul est sur le tracteur, l’esprit a facilement tendance à « ruminer », la station debout, qui a parait-il permis l’évolution de nos lointains ancêtres par l’irrigation du cerveau qui en a provoqué le développement, semble procurer au Biau Jardinier des réflexions plus construites et positives,
- et, last but not least, le travail à la main, en « forçant » l’utilisateur de ces outils à se déplacer avec lenteur, à être disponible à l’observation (d’où la nécessité de ne pas oublier sa petite loupe quand on part biner…) permet surtout de garder les pieds sur terre, contact paysan fondamental que l’agriculture contemporaine – du haut de ses tracteurs à cabine climatisée – a grand tort de sous-estimer.
Quel bonheur de passer « un p’tiot coup d’rapette » dans les choux pointus du tunnel sous le soleil de mars…
Quelle sérénité d’arpenter un engrais verts en juin ou juillet en soirée longtemps après le chaud (qui a été consacré à la sieste à l’ombre…), le sarclot à la main pour détruire de temps en temps un pied de rumex récalcitrant ou un chénopode que le compostage en tas du fumier a laissé réchapper.
Sans doute que, s’il n’y avait pas ces moments, que nous vivons comme des séances de bien-être, le Biau Jardinier se serait recyclé…
* * *
À nos yeux, l’enjeu de la mécanisation est « simplement » que sa quantité nécessaire soit assez maitrisée pour être compatible avec
- le prix de vente de nos légumes
- les conditions de travail dues aussi aux Biaux Jardiniers, permanents ou saisonniers.
Ainsi, notre choix de vie est que TOUS les travailleurs soient rémunérés. Officiellement. Décemment.
OUI ! « un autre travail de sol est possible ! »
C’est ce que nous détaillons en photos
dans notre grande série en 7 saisons :
Sans chimie et sans adventice, c’est possible !
- saison 1 Faux semis occulté
- saison 2 Faux semis brûlé
- saison 3 Double faux semis
- Saison 4 Au tracteur… à deux
- saison 5 Au tracteur… et seul : BPO, étrille
- saison 6 Pour biner à la main, des outils… y’en a plein plein
- saison 7 La méthode corse
* * * * *
↑1 | Car en effet nous ne savons pas comment vivre décemment de maraîchage sans récolter qualité et quantité commercialisables à prix acceptable par nos clientèles. Et notre choix de vie ne consiste pas à multiplier les droits à l’incompétence et l’échec par de l’achat-revente systématique. |
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