Pas un miracle, une culture !
Mieux vaut ne pas se faire d’illusions : les engrais verts ne sont pas un miracle… mais une culture à part entière. C’est à dire que pour les pratiquer comme base de la fertilisation et de la prévention des maladies et parasites,
- il n’est pas possible de décider d’en semer «au dernier moment», quand on se rend compte qu’il y a le temps d’en glisser un après une culture dont on réalise après l’avoir récoltée qu’il n’y a pas d’autre légume à mettre…
- ils sont introduits dans la rotation, c’est à dire prévus sur le plan de culture qui est organisé aussi en fonction de ce choix (de cette contrainte, en plus de toutes les autres).
- ils demandent préparation de sol, choix variétal et semis, entretien, et «récolte» ( = broyage et incorporation).
Les engrais verts s’inscrivent donc dans les deux colonnes du «compte en T» classique de la comptabilité, de même que la production d’un légume :
- au débit en temps de réflexion et temps de travail avec matériel adapté
- au crédit en bonne agronomie bio.
Implantation
Semence
Pour une bonne répartition au sol des différentes espèces et variétés des cultures d’engrais verts, les Biaux Jardiniers dosent chaque espèce ou mélange utilisés avec une balance ; celles utilisées en très petites quantités sont d’abord mélangées entre elles dans des seaux, ce qui facilite leur ajout aux espèces dominantes dont le sac sert de base. Le mélange est réalisé à la bétonnière.
Semoir
Pour semer les engrais verts, nous avons cherché
- un semoir qui soit adapté au semis planche par planche, parce comme la technique des planches permanentes permet d’individualiser le travail de sol «à la planche près», il aurait été dommage de se priver de cette souplesse pour les engrais verts. Et sur un même carré, toutes les planches ne se libèrent pas en même temps, et moins le sol reste nu, plus la photosynthèse travaille ! (gratis…).
- un semoir qui permet de répartir correctement des mélanges de graines de divers calibres et de toutes formes, et de plus pas forcément bien nettoyées puisque plusieurs peuvent venir de notre propre auto-production
- un semoir qui travaille sans difficulté même avec une petite quantité de semence.
- un semoir suffisamment simple et rapide à mettre en service et régler pour ne pas reculer à l’utiliser pour semer seulement quelques planches,
- et «en même temps» ayant une trémie suffisante pour ne pas devoir la remplir trop souvent quand il y a une grande surface à semer,
Et bien sûr, d’un tarif abordable !
Nous l’avons adapté à notre façon de faire, et utilisé en montage sur différents outils…
…qui ont évolué au fil du temps
Et l’évolution continue ! Et continuera :
- le bricolage d’un autre outil pour semis aussi immédiatement derrière une récolte comme sur sol nu sans autre travail de sol à partir d’outils de récup’ présents sur le « tas de ferraille » de la ferme est en projet…
- l’investissement dans un outil grande largeur donc polyvalent avec les cultures menées « à plat » est aussi « à l’étude »…
Semis
Pour obtenir une meilleure levée dans nos sols tout en évitant l’arrosage des semis (puisque nous réservons l’eau aux légumes), nous faisons systématiquement en conditions sèches un passage de rouleau pour rappuyer le semis et donc obtenir un meilleur contact entre la terre et la graine. Semis avec le vibroplanche à dents droites et rouleau lisse, ou passage de rouleau postérieur au semis.
Et quand on arrive à le réaliser juste avant une pluie ou un orage, ce qui n’est pas garanti à tous les coups, et ben c’est le top du top 🙂
En fin de saison, quand il y a peu de temps disponible entre la fin de la récolte du légume et l’arrivée du froid, et que de plus, les conditions sont humides, les Biaux Jardiniers se dépêchent ! Alors, la technique utilisée est «semer comme on peut», avec par exemple un passage de roloflex (LIEN) APRÈS la réalisation d’un semis sans incorporation (LIEN). Et çà marche ! (quand la culture était «propre» (= sans adventices) au moment de la récolte, bien sûr).
Toujours en fin de saison, et après récolte de légumes d’hiver, si on est en conditions sèches, on peut passer le cultibutte avec ses trains de bêches, et aussi faciliter la levée avec un passage de rouleau tout en économisant la ressource en eau.
L’objectif reste prioritairement de semer, même si le résultat n’est pas «top» (mais est ce vraiment un drame si comme sur la photo ci dessus, quelques légumes continuent à pousser par là au milieu ???), de façon a obtenir la levée et un début de développement avant les froids. Pour nous, la priorité absolue est la couverture du sol en hiver pour le protéger de l’érosion et des lessivages. Et çà facilitera grandement les reprises de printemps : ses racines auront assumé une grande partie du travail d’ameublissement, sans utilisation de mécanique ou d’énergie fossile… pendant qu’on fait des journées courtes (très !)
Il est toujours plaisant de voir comme un engrais verts résistant au froid, même l’hiver, «çà pousse» et çà montre la vie !
Entretien
De l’allée…
Travaillant en planches permanentes un de nos buts est de garder des allées stables pour les passages des roues de tracteur, de brouettes, des pieds de Biaux Jardiniers, etc… Un des risques de la méthode est donc leur salissement. C’est pour l’éviter que ceux des 4 outils emblématiques
qui travaillent la terre sont munis de divers systèmes simples, à dent(s), le plus souvent mobiles, qui binent très superficiellement l’allée lors de chaque travail de la planche.
Mais… pendant la culture d’engrais vert, il n’y a plus d’utilisation de ces outils…alors…
Alors les Biaux Jardiniers ont fait le choix de bricoler des outils adaptés au binage rapide des allées entre les planches d’engrais vert. Et comme l’expérience montre qu’il est beaucoup plus facile de détruire des végétaux quand on s’y prend très tôt, à toute saison, nous faisons le premier binage d’allées dès que la levée de l’engrais vert est effective.
Nous entretenons ensuite l’engrais vert avec autant de suivi qu’une culture de légume, et pour les mêmes raisons : parce que ici aussi nous en espérons une belle récolte !
Nous binons ensuite régulièrement les allées de tout engrais vert, même annuel ou dérobé qui reste peu de temps en place.
Et l’entretenons comme un légume : jusqu’à la récolte.
L’enjeu est d’autant plus important dans les engrais verts pluri-annuels.
Un des objectifs est en plus que les allées restent sans herbe tout l’hiver. Cela garantit que même si le printemps est humide, donc l’entretien du jardin «difficile», on peut retarder leur binage sans conséquences néfastes. Et donc consacrer les quelques fenêtres météo favorables prioritairement aux planches de légumes.
Les Biaux Jardiniers ne veulent pas prendre le risque de voir s’installer des végétaux dont il serait difficile de «se débarasser» ensuite, et – sur ce seul sujet – sont partisans de la «tolérance zéro». Donc les binages sont impératifs tout au long de l’année. Et comme les allées ne serviront jamais à y faire pousser des légumes, on peut se permettre de les biner même dans des conditions où on s’en abstiendrait si il s’agissait de la planche de légume :
L’entretien des allées permanentes est bien sûr maintenu tout au long des trois années de l’engrais vert pluriannuel. Avant broyage…
comme après broyage.
En fonction du développement de l’engrais vert, de sa durée prévue, de la saison, les binages d’allée peuvent être un peu plus ou un peu moins larges. Les Biaux Jardiniers utilisent donc des éléments bineurs avec une seule dent à soc large, ou bien avec plusieurs dents à socs étroits. La barre porte-outil auto-constructible en stage de l’Atelier Paysan est très efficace pour ce genre d’usage. Là encore, çà n’est pas bien difficile de s’adapter à ce que l’on a observé : il suffit d’obéir à ce que l’on a vu.
De la planche…
Hersages
Comme toute culture, l’engrais vert peut être menacé par les levées d’adventices, ou par un mauvais démarrage de leur végétation. C’est évidemment pour les engrais verts pluriannuels semés tardivement que le risque est le plus gros. Dans ces cas, les Biaux Jardiniers aiment bien faire un léger hersage avec la herse étrille en fin d’hiver début de printemps. Que ce soit la « rustique » montée sur barre porte outil
ou la Trefler pour un travail plus précis, et sur 3 planches en même temps.
Le même genre de technique est aussi utilisé «à plat»
dans les engrais vert semés dans les terres labourables.
Cela permet de détruire une partie par exemple du mouron qui pourrait devenir envahissant, cela permet aussi d’aérer le sol et donc favoriser l’activité des micro-organismes.
Selon la saison et les problèmes rencontrés, on peut aussi utiliser cette technique pour faire du sur-semis.
Broyages
Les outils économiques de type gyrobroyeur, qui font un travail rapide (adaptés pour broyer les refus de pâturage dans les prairies permanentes). Ils ne nous semblent pas adaptés aux engrais verts : travail trop grossier, et surtout formation d’andain de matière végétale sur un coté quasi impossible à reprendre, même par alternance des passages.
Les Biaux Jardiniers utilisent un broyeur à axe horizontal équipé de marteaux. Acheté neuf puis entretenu plus de 25 ans, il a un nombre très respectable «d’heures de vol» à son actif : c’est un investissement que nous ne regrettons pas. Il travaille toujours et encore !
Nous avons aussi investi il y a plusieurs années dans un broyeur latéral (et déportable) allemand. Cet outil nous facilite grandement aussi l’entretien des prés et des bordures de toutes les parcelles. Il est monté avec des pièces travaillantes d’un modèle original, inconnu des distributeurs français. Ces couteaux apportent une très belle qualité de broyage, et ils résistent très bien à l’usure. Cet investissement a bénéficié d’une petite aide «spécial Bio» du conseil régional de Bourgogne.
Broyage sympathique !
Dans notre Biau Jardin, que ce soit du fauchage ou du broyage, on le fait «sympathique» .
C’est Pierre Déom, qui a diffusé cette expression «fauche sympathique», terme qui avait séduit aussi les Biaux Jardiniers. Pierre Déom est le fondateur-dessinateur-rédacteur-metteur en scène de «la Hulotte» «le journal le plus lu dans les terriers». C’est une réjouissante mine d’informations sur la Nature ; depuis plus d’une quarantaine d’années. Et pour vraiment pas cher. Surtout eu égard à sa qualité.
«Fauchage sympathique» donc. Sympathique ? oui : pour la vie du milieu ! Parce qu’en effet, faucher, broyer… un pré, un engrais vert, çà peut être nocif pour la faune présente avec la méthode…répandue, puisque
- il suffit d’entrer dans la parcelle, de commencer le travail par les bords, ce qui est spontané quand on ne sait pas précisément où et dans quel axe est le milieu exact… et qu’on craint de «laisser des pointes»
- puis, dans un mouvement concentrique de se rapprocher inexorablement du centre au fur et à mesure du travail. Ainsi, une bonne partie de la faune, fuyant le tracteur et cherchant un abri là où il y a encore de l’herbe où se poser (là donc où l’outil n’a pas encore travaillé), se trouve peu à peu rassemblée au centre le la parcelle… et elle est détruite par le dernier passage. VROUM !
La fauche sympathique, c’est juste le contraire. Dans notre Biau Jardin, si on doit broyer par exemple tout un carré d’engrais vert, on commence par broyer la planche du centre du carré, et on fait le travail en allant de plus en plus vers l’extérieur du carré.
En agissant ainsi, on «repousse» les insectes de planche pas encore broyée… en planche pas encore broyée…
…vers un lieu qui ne sera pas broyé : une planche en légume, ou en engrais vert qui n’est pas encore au stade broyage, ou une bande fleurie !
Selon le nombre de planches à broyer et la configuration des lieux, on peut aussi progresser d’un bord vers l’autre si les planches «accueillantes» sont d’un seul coté.
Ou bien progresser vers une bande fleurie.
C’est un avantage supplémentaire du «système planches permanentes» : pas difficile de trouver le centre d’un ensemble de planches…il suffit de compter, et les Biaux Jardiniers ont dix doigts… Et on pourra faire le premier passage à coup sûr parallèle au dernier !!! (les Biaux Jardiniers ont deux yeux …).
Pratiquer la «fauche sympathique», çà n’est que question d’organisation et de prendre un petit peu le temps d’y penser (et si on aime…on compte pas !). Avec des bandes fleuries incluses en système planche permanente, c’est une grande facilité pour aider à l’entretien sympathique des engrais verts pluri-annuels… donc pas de raison de s’en priver !
Adaptation
En fonction de l’objectif fixé à la culture de l’engrais vert et de son stade de développement, les Biaux Jardiniers pratiquent aussi des broyages partiels. On peut choisir de ne pas tout broyer au même moment dans un carré en engrais vert, par exemple,
- dans un mélange de graminées comprenant aussi de la luzerne, si on ne broie qu’une partie des planches, cela permettra d’échelonner la floraison par succession et donc d’allonger la période avec de la fleur de luzerne disponible pour les insectes. Il suffit de «prendre de l’avance».
- Dans le cas d’un mélange diversifié contenant du (des) trèfle(s) avec des céréales, il nous arrive par exemple de ne broyer que celles ci dans un premier temps pour en éviter l’épiaison, voire seulement sur une partie des planches,
tout en laissant donc à l’étage des plantes les plus basses le temps pour fleurir ensuite dans un milieu différent. C’est un système qui nous convient bien pour, quand c’est l’objectif, garder plus longtemps la floraison du trèfle incarnat.
Incorporation
Le déchaumage des engrais vert pour incorporation au sol nous le réalisons immédiatement après broyage.
Faute d’avoir trouvé l’énergie d’auto-construire une meilleure solution – mais nul doute que çà viendra ! – nous continuons à utiliser le petit rotavator, âgé de quasi quarante ans. Et à l’usage, çà va drôlement bien ! Avec le recul, çà nous semble efficace pour faire beaucoup [1]aspect fondamental à nos yeux paysans d’engrais vert sans matériel spécifique mieux adapté : nous ne pratiquons que l’agriculture biologique du possible ! Sa largeur correspond à celle de la planche, et il ne touche donc pas aux allées.
Nous passons cet outil rotatif à faible profondeur, juste assez pour scalper les racines de l’engrais vert.
L’outil ne repose pas sur ses patins car il travaillerait ainsi trop bas pour cause de planche sur-élevée. L’outil est tenu par les bras de relevage et leur réglage : le contrôle de profondeur dépend donc uniquement de l’attention de celui qui conduit le tracteur… (sollicitation des cervicales…). À une vitesse d’avancement tracteur relativement élevée, ce qui limite les risques de lissage et de création d’une semelle de travail. Et bien sûr le tablier relevé, ce qui évite d’affiner les mottes, puisque çà n’est pas du tout le but recherché !
Ameublissement des mottes et digestion de la matière, çà n’est pas la le travail de la mécanique agricole : l’activité microbienne préservée dans la butte s’en chargera beaucoup mieux que nous… toute seule… gratis… solaire… Le passage de la butteuse auto-construite, en «montant» la planche permanente, crée ce milieu très aéré de façon homogène, favorable à une décomposition saine et rapide de toute cette matière végétale fraiche. …
Et c’est le cultibutte qui entrera ensuite en action pour reprendre et fissurer grossièrement l’ensemble du volume de terre.
Bien évidemment, avec le système planche permanente, donc en l’absence de labour classique, pas besoin de préparer plus de planches que nécessaire : on peut donc laisser à l’engrais vert plus de temps pour se développer sur les autres planches, qui seront mises en culture un peu plus tard. C’est autant de fertilité en plus !
Sous tunnel
Nous avons pour les engrais verts sous tunnel à peu près le même genre de pratique, bien sûr adaptée à ce milieu spécifique qui implique chez nous de privilégier des engrais verts d’été à pousse rapide
Nous semons plutôt des mélanges diversifiés de plusieurs espèces qui nous semblent complémentaires, par exemple sarrasin, poacées, fabacées.
Quand seules quelques planches sont disponibles et que le temps est compté, nous choisissons de semer du sorgho en pur pour «accompagner» la levée d’herbe inévitable, ce qui, en plus de la structuration apportée par ses racines, amènera plus de matière à incorporer lors de sa destruction précoce pour cause d’adventices.
Mais quand il est prévu de faire une solarisation de désinfection, le sorgho est semé en plein sur tout le tunnel, et à plat.
Au bilan
donc, la culture systématique des engrais verts nous offre une fumure, notamment azotée, de la fertilité microbienne, de l’ameublissement du sol y compris en profondeur, de la prévention contre parasites et maladies fongiques, de la biodiversité, de la lutte contre les adventices, etc…
et tout cela «gratuitement» auto-construit par la ferme maraîchère !
Notre matière première ? le soleil !
↑1 | aspect fondamental à nos yeux paysans |
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